[Quête] Un Transport pour Féérune - Partie 2

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Code:: Attaque de Raistlin sur l'araignée : 19 (touché)
Dégâts de feu encaissés par l'araignée : 10
Dégâts de feu encaissés par Evart : 4

Points d'expériences : Araignée Eclipsante (1400 XP)
Evart de Padraig : 700 XP
Raistlin : 700 XP

Dans pareille situation, il était impossible de savoir qui était le plus à plaindre. Raistlin était dans l'incapacité de combattre mais il devait ramper car ses membres étaient encore engourdis suite à l'attaque sournoise de l'araignée, il aurait à nouveau fait une cible facile s'il n'y avait pas Evart pour s'interposer. Celui-ci non plus n'était pas à envier : il était le seul à faire vraiment face à l'arachnide qui concentrait ses attaques sur lui. Il restait un dernier être dont il ne fallait pas oublier la présence, ou plutôt l'absence. Brock avait disparu dès que l'araignée était réapparue et il avait filé. Mais fuir est une alternative souvent mal récompensée : il était à présent seul, dans le noir, et désarmé. Qui sait ce qui pouvait bien lui arriver pendant que les deux aventuriers s'évertuaient à sauver leur peau.

Après un rude combat, le monstre finit par être vaincu. Non par l'épée du Cormyrien, qui lui avait pourtant infligé bien des souffrances, mais par les sortilèges et les potions explosives que le magicien avait lancés sur la créature. Alors qu'elle s'apprêtait à lancer une dernière attaque, le feu commençait à prendre sur son torse velu. Mais la dextérité du mage qui n'était pas tout à fait remis du choc de son réveil provoqua un léger accident. La fiole se brisa entre les deux combattants, le feu se propagea sur l'armure du Cormyrien qui dut lâcher son arme pour essayer de l'éteindre. A son tour, Evart aurait fait une cible facile. Mais c'était sans compter les blessures accumulées par l'araignée, qui s'effondra sur le sol après une lutte acharnée, mais vaine, contre le feu qui s'assaillait. Son corps continuerait de brûler pendant plusieurs heures encore et les aventuriers étaient maintenant assurées qu'elle était bel et bien morte.

Comme prévu, Raistlin récupéra une fiole et la lança. Mais, malheureusement, son état transparut dans le tir qui n'était guère précis au point qu'en explosant, elle projeta de la poix sur le cormyrien. Celui-ci connaissait les terribles propriétés de la substance, il lâcha immédiatement son épée et commença à essayer d'éteindre le feu mais il sut que cela ne suffirait pas, il se plaça donc contre le sol pour étouffer le feu pendant ce temps, il attrapait le pantalon dont il s'était déjà servi pour soigner le prisonnier, l'aspergea d'eau et le plaqua contre les flammes ... Après quelques secondes, le feu était définitivement éteint. Il se releva et ôta sa tunique de mailles et inspecta ses blessures, les flammes avaient causé des dégâts assez important sur les parties superficielles de son épaule ... A coté, Raistlin semblait aller de plus en plus mal, du sang coulait abondamment de sa blessure. Evart devait donc faire au plus vite pour éviter que son cas s'aggrave voir qu'il ne meure d'hémorragie. Il s'approcha donc et se baissa.

Utilisation du sort : Soins légers. Lancé de 1d8.

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[Quête] Un Transport pour Féérune - Partie 2 - Page 9 0610

Ainsi Evart tenta d'invoquer son dieu : Tyr, pour sauver le mage. Dans sa générosité, celui-ci avait accédé à ses prières et il donna à ses mains des propriétés curatives. L'estomac de Raistlin se reforma sous ses yeux et après plus d'une minute, il était définitivement guéri. Bien qu'étant soigné, Evart le laissa dormir quelques minutes pour se soigner. Il restait encore de la pâte qu'il avait fait pour les cataplasme, elle était juste chaude, car il avait fait attention à ne pas trop l'éloigner du feu. Ainsi, il remua un peu le produit pour homogénéiser avant de répandre un peu d'alcool sur ses blessures pour les désinfecter, c'était sommaire, mais cela devrait suffire. La douleur le fit frémir mais il parvint tout de même à étaler le cataplasme sur ses blessures avant de les recouvrir de linge propre. Alors, il remit son vêtement mais laissa sa cotte de maille à terre. C'est alors qu'il reprit son épée au sol et s'engagea dans le couloir pour tenter de retrouver Brock, le pirate prisonnier de l'araignée qui s'était enfui. Il n'eut pas beaucoup de mal à le retrouver, prostré dans le noir. D'une voix autoritaire, le noble lui dit :

- Revenez dans la grotte, l'arachne a été tuée et nous devons faire quelques préparatifs avant de partir pour Zi'Hafa.

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Code:: Raistlin - Points de vie récupérés : 6
Evart de Padraig - Points de vie récupérés : 4

Evart était tout aussi doué dans l'utilisation d'une épée et d'un bouclier qu'avec des produits médicaux. Sa carrière de prêtre s'annonçait bien et il semblerait que son dieu, Tyr, soit d'humeur généreuse avec lui. Le magicien serait sur pied dans peu de temps grâce à lui et le Cormyrien lui-même sentait ses forces revenir grâce au catasplasme. Il se mit alors en quête de Brock qui avait fui avant le combat.

Le prisonnier fut retrouvé à quelques mètres plus loin. Il n'avait pas osé utiliser l'échelle pour franchir le ravin. En vérité, il n'avait même pas réussi à traverser le tunnel qui contenait les innombrables toiles d'araignées. L'homme était accroupi, craintif. Ses yeux s'illuminèrent lorsqu'il aperçut Evart.

- Revenez dans la grotte, l'arachne a été tuée et nous devons faire quelques préparatifs avant de partir pour Zi'Hafa, lui avait-il dit d'une voix autoritaire.
- Je... je ne pensais pas vous revoir. Je suis impressionné par votre courage... et votre générosité. Vous allez vraiment m'emmener à Zi'Hafa ? Je ne suis pas sûr d'être prêt à retourner là-bas. Voyez-vous... ces derniers temps j'y suis allé, mais c'était surtout pour voler ou causer du tort à la population.

Comme Evart s'en était douté, l'homme était loin d'être honnête et il craignait de s'exposer à la justice de son pays. Cependant, le cormyrien ne pouvait accepter. Il était hors de question de rester ici, et plus encore, de laisser un criminel sans jugement. Dès lors, il adopta une attitude ferme.

- Nous devons retourner à Zi'Hafa et il vous faudra faire face à vos responsabilités et à votre passé. Néanmoins, si vous alertez les autorités sur l'alliance entre les pirates et les hommes-lézards, sur les plans de Rhadjiara, ... je suis certain que d'éventuels juges prendront cela en conséquence et sauront se montrer clément si vous ne retombez pas dans la criminalité.

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Le Cormyrien avait proposé à Brock de se rendre à la justice de la cité. En vérité, il ne savait pas s'il était contraint de les accompagner ou s'il disposait encore du choix. Néanmoins, après une brève réflexion, le prisonnier décida qu'il était temps pour lui de rentrer chez lui. De plus, avec les encouragements d'Evart en ce qui concerne les révélations qu'il pourrait faire aux juges, Brock se sentait plus rassuré.

- Soit, je vais vous accompagner. Je crois que j'ai eu ma dose d'atrocités pour toute une vie. Si vous saviez ce que j'ai vu depuis que... depuis que j'ai rejoint ces bandits. Je n'ai jamais été très courageux, comme vous avez pu le constater, mais en comparaison de mes expériences personnelles, je ne ressens aucune crainte quant à la punition qui m'attend à mon retour à Zi'Hafa.

Pleinement conscient de ce qui allait lui arriver, Brock se releva et adopta un comportement plus rassuré. Il suivit Evart jusqu'à l'antre de l'araignée ou Raistlin profitait du calme pour recouvrer ses forces.

Finalement, le bandit accepterait de rentrer à Zi'Hafa ajoutant même qu'il avait vu beaucoup d'atrocités. Evart n'était donc plus totalement sûr de la possible clémence des juges mais, néanmoins, les informations qu'il pouvait avoir s'avèreraient certainement utiles si les pirates et les hommes-lézards avaient commis autant de problèmes ... Et puis, même s'ils ne s'en étaient pas directement pris aux habitants, un gouvernement digne de ce nom ne pouvait cautionner la présence de créatures aux mœurs aussi barbares ... Ils regagnèrent donc la salle principale où Raistlin semblait être réveillé. Evart se baissa et lui demanda :

- [Chondatan] Vous allez mieux ? Je pense qu'il ne serait guère prudent de rester ici, nous devrions regagner Zi'Hafa au plus vite si vous êtes en état.

Raistlin avait pu se reposer après l'éprouvant combat contre l'arachnide géant. Dans son dos, la peau dorée avait maintenant remplacé la blessure béante causée par le monstre.

Le jeune mage allait physiquement mieux, mais la douleur subsistait. Cette vielle douleur qu'il avait appris à accepter. Il avait dû fournir beaucoup d'efforts et faire preuve d'une concentration énorme pendant le combat, si bien que la douleur lui déchirait la poitrine sans que quiconque ne puisse l'apaiser.

C'était cependant un bien moindre mal comparé à ce qu'il aurait dû subir si son compagnon ne l'avait pas soigné. Raistlin ne le lui dirait jamais, mais il dû bien admettre que le noble avait un réel talent dans la magie divine... En temps normal, la dévotion d'Evart envers son dieu Tyr aurait arrachée à Raistlin une moue de dégout. Cependant la situation avait été telle qu'il avait dû passer outre son mépris pour les divinités...

Raistlin fut soudain tiré de ses pensées par Evart, qui lui demandait :

- [Chondatan] Vous allez mieux ? Je pense qu'il ne serait guère prudent de rester ici, nous devrions regagner Zi'Hafa au plus vite si vous êtes en état.

Le jeune mage le remercia brièvement et lui répondit simplement qu'il était prêt. Alors les deux aventuriers se mirent en route accompagnés de Brock...

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La décision était prise : les trois hommes allaient quitter la grotte et retourner à Zi'Hafa. Le temps qu'ils mettraient pour revenir d'où ils venaient leur paraîtra bien court car, habituellement, le retour est toujours plus rapide que l'aller, même s'il est plus stressant : après avoir combattu Hommes-lézards et Araignées, les aventuriers ne pouvaient envisager un paisible voyage de retour. Si jamais ils rencontraient de nouvelles créatures à combattre, il leur faudrait faire preuve de stratégie car leurs ressources s'épuisaient à chaque combat remporté. Cette fois ils étaient trois, mais Brock n'était peut être pas le meilleur compagnon qu'on puisse avoir : ses compétences martiales sont limitées et la peur l'avait envahi depuis qu'il s'était fait prendre dans le piège de l'Araignée. De plus, la confiance limitée qu'il inspirait chez les deux aventuriers leur jouerait peut être des tours prochainement. Evart, ayant pris en compte ce facteur, redoubla de vigilance et ne le lâchait pas d'une semelle.

Après une rapide inspection de la grotte de l'Araignée, les aventuriers rebroussèrent chemin jusqu'à l'intersection de grottes, là où la lumière du soleil perçait au plafond. Ils tournèrent donc à droite pour revenir dans l'immense caverne où ils avaient combattu des Hommes-lézards. L'échelle leur servit une fois de plus pour traverser le ravin et ils purent retourner d'où ils venaient. Même s'ils connaissaient le chemin, l'obscurité ne leur permettait pas d'éviter certains obstacles tels des rochers ou des petites crevasses. Ils préféraient éviter d'allumer des torches, de peur d'être remarqués en train de fuir le repaire de l'ennemi. Ils passèrent la grotte de la première araignée, puis le tunnel traversé par un cours d'eau, et enfin l'entrée de la caverne, qui était toujours obstruée par les roches. Brock exprima son étonnement car il n'était pas au courant de ce récent effondrement. Tout en pensant se rendre utile, il confia aux aventuriers qu'il y avait une entrée secrète qui menait non-loin de l'entrée principale. Evart lui confia à son tour que l'éboulement était déjà là lorsqu'ils sont arrivés, et qu'ils ont par conséquent trouvé cette entrée qui était censée être secrète. Il restait un dernier tunnel à traverser.

Lorsqu'ils ouvrirent la porte en bois, les aventuriers se souvinrent de la sombre jungle qu'ils avaient dû parcourir avant de trouver l'entrée : la brume, l'absence de bruit qui formait cette atmosphère pesante. Le seul changement était la pluie légère qui tombait sur l'herbe basse. Brock semblait heureux de se trouver à l'extérieur. Il profita de l'eau qui coulait sur son visage et exprima son contentement par une expression locale qu'Evart et Raistlin ne connaissaient pas, bien qu'ils purent facilement deviner son sens. Ils longèrent la montagne jusqu'à arriver devant l'entrée principale. Bien que le mage semblât être celui qui connaissait le mieux le chemin, il refusa de prendre la tête du groupe, se contentant d'indiquer quelle direction il fallait prendre. Selon lui, le trajet jusqu'au tunnel sous la roche devrait durer dix bonnes minutes.

Fort heureusement pour eux, les aventuriers purent regagner la cité humaine sans rencontrer le moindre problème. Une fois qu'ils eurent passés le tunnel pour rejoindre la jungle qu'ils connaissaient désormais, en sentant à nouveau l'effet du soleil sur leur peau, le chant des oiseaux exotiques, la paisible rivière qui emjambait le petit ravin, les aventuriers aperçurent enfin les murailles de Zi'hafa. Ils devaient à présent traverser les champs afin de rejoindre les portes de la ville. Au fur et à mesure qu'il avançait, Brock se sentait de moins en moins rassuré. Il ne savait pas trop ce qui allait lui arriver maintenant qu'il était de retour chez lui. Il se laissa emmener par Evart jusqu'à ce qu'ils rejoignent les portes. Là, un garde les interpella...

- Regardez qui voilà ! Ne serait-ce pas ce jeune Brock qui revient parmi nous ? s'exclama-t-il après avoir posé un bref regard sur Evart et Raistlin. Où étais-tu pendant toutes ces années ? Tu ferais bien d'aller voir ta mère immédiatement, elle ne s'est pas remise depuis que tu as disparu sans laisser de traces.
- Je vais aller la voir... dit-il hésitant. C'est bon de revenir chez soi.
- Si c'est vous qui l'avez retrouvé, dit le garde en s'adressant cette fois aux aventuriers, vous feriez bien d'aller avec lui. Sa pauvre mère sera ravie de vous rencontrer, j'en suis sûr.

Après avoir reçu l'assentiment de tout le monde, Evart finit de rassembler ses affaires et ils purent partir grâce à un passage que le pirate connaissait. Une fois sous le Soleil étouffant de l'île, le petit groupe put partir vers Zi'Hafa à travers la jungle. Celle-ci était toujours aussi dense et peu praticable mais leurs efforts furent récompensés lorsqu'ils se retrouvèrent au milieu des champs. Il ne leur fallut pas longtemps pour arriver en vue des murailles. Au fur et à mesure qu'ils approchaient, Brock devenait nerveux et quand ils furent aux portes de la ville, un garde qui avait reconnu le pirate l'interpella. D'après le soldat, il avait disparu sans laisser de traces et avait rendu sa mère morte d'inquiétude. Pour Evart, c'était déjà un grand acte d'irresponsabilité, en plus d'être criminel. Alors que Brock et Raistlin commençait à s'éloigner, le cormyrien s'approcha du garde et demanda :

- Je vous prie de m'excuser mais où peut-on trouver un magistrat, le chef de la garde ou un officiel ? Je pense que Brock pourrait avoir des choses intéressantes à dire.

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Suite à la demande du cormyrien, le garde se demandait ce qui pouvait bien être plus important pour Brock que d'aller voir sa mère. A en juger par le ton qu'il avait employé, il ne s'agissait pas d'une demande à la légère. Pourquoi était-il nécessaire d'aller voir les magistrats ? Le garde s'en fichait royalement, mais rien ne l'empêchait de fournir des réponses aux questions des aventuriers. Il semblait touché par le retour de Brock.

- Le Grand Manoir est en quelque sorte le centre administratif de la cité. C'est la résidence du Grand Alkar, mais ses conseillers sont là pour garantir l'ordre et la sécurité dans notre communauté. Le bâtiment se trouve à l'est, il vous suffit de traverser le jardin de l'auberge principale, et vous y êtes.

Une fois que le garde fût reparti à son poste, Brock s'approcha d'Evart pour lui faire part de son désir de retourner chez lui avant d'aller affronter le conseil de la cité.
- S'il vous plaît, j'aimerais retourner chez moi avant. Je vous promets que j'irai voir les magistrats ensuite. Comme l'a dit le garde, je pense que ma mère sera ravie de vous rencontrer.

Le jeune homme fut presque étonné par la demande de Brock car il n'avait jamais eu l'intention d'aller voir les magistrats auparavant. Quoiqu'il en soit, il répondit :

- Bien entendu Brock, cela me parait tout à fait légitime et normal. Dans ce cas, allons voir votre mère pour la rassurer. D'ailleurs, il faudra qu'on discute un petit peu avant d'aller voir les magistrats de Zi'Hafa mais bon, nous verrons cela tout à l'heure.

C'est alors qu'ils partirent vers la maison de la mère de Brock en suivant ce dernier.

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Soulagé, Brock leur montra le chemin jusqu'à sa maison. En traversant la place, le jeune homme semblait adopter une attitude discrète. Il ne voulait pas qu'on le reconnaisse tout de suite. Il marchait d'un pas hâtif vers ce qui semblait être une petite impasse. Sa maison se trouvait au pied du mur sud, à proximité de l'enceinte qui abritait les temples de la ville. Une femme, pas si vieille que cela, balayait l'entrée de la maison qui semblait être la destination de Brock. Lorsqu'elle vit les trois personnes s'approcher d'elle, elle stoppa son activité et regarda longuement Brock. Celui-ci fit de même, et semblait ne pas connaître la personne qui était en face de lui. La femme s'adressa à Brock en premier.

- Bonjour, je peux peut être vous aider ?
- Oui, peut être. Pourrais-je vous demander votre nom ?
- Jensen, dit-elle avec une pointe d'hésitation.
- Jensen ? déclara-t-il avec une pointe d'étonnement. C'est moi, Brock.

Tout en laissant échapper un cri, et son balai par la même occasion, la femme s'enfuit à l'intérieur de la maison sans dire un mot. On ne la revit que quelques instants après, en compagnie d'une vieille dame qu'elle aidait dans ses déplacements. Jensen avait une larme qui coulait sur sa joue. La vieille dame regarda Brock quelques instants avant de se ruer sur lui, sans se préoccuper de son handicap.
- Brock, mon garçon ! C'est bien toi ! Je n'arrive pas à y croire.

Après des retrouvailles fortes intéressantes, quoiqu'un peu ennuyeuses pour les deux aventuriers, Brock se décida enfin à les présenter devant sa famille (Jensen se trouvait être la soeur aînée de Brock).
- Maman, voici les deux aventuriers qui m'ont aidé à m'échapper de la grotte. Evart de Padraig et Raistlin.
Evart eut soudain l'envie de contester la version de Brock mais il se retint pour le moment, pensant qu'il aurait, plus tard, l'occasion de révéler qu'il était en vérité leur prisonnier. Il s'approcha d'Evart pour lui murmurer.
- Ne vous en faîtes pas, tous connaîtront la vérité lorsque je passerai devant les magistrats.

Les deux aventuriers purent s'entretenir tranquillement, seuls, pendant que les trois autres discutaient de choses très importantes certes, mais qui ne représentaient absolument rien pour Evart et Raistlin. Un bon quart d'heure passa lorsqu'enfin Brock revint avec un objet dissimulé dans un tissu qu'il tenait en main.
- Ma mère et ma soeur vont m'accompagner jusqu'au Grand Manoir. Mais avant cela, elle voudrait vous remercier pour ce que vous avez fait. En vérité, je tiens à vous remercier en premier, car sans vous, je serais probablement encore englué dans la toile de cette immonde araignée que vous avez vaincue. Grâce à vous, je vais pouvoir retrouver une vie normale, pas trop banale tout de même, je l'espère.

La mère de Brock remercia à son tour les aventuriers avant de montrer du doigt le paquet enveloppé. Brock défit le noeud et en sortit une longue lame qui brillait à la lumière du soleil. En dépit de la lame qui était bien droite, on pouvait identifier l'art elfique grâce aux courbes dessinées sur la garde.
- Cette épée appartennait à mon père, qui était très apprécié des Elfes. Je ne suis pas un bon combattant, et je ne pense pas en avoir besoin. Je tiens à ce qu'elle vous revienne, vous qui savez manier les armes. Mon père serait d'accord, il préférerait la voir entre les mains d'un type comme vous plutôt qu'à prendre la poussière dans un coffre au fin fond de notre maison.

La mère de Brock regarda Raistlin avant de lui dire :
- Nous n'avons rien qui puisse être utile à un magicien, mais peut être pourriez-vous accepter de partager un repas chaud avec nous ? Vous êtes tous deux les bienvenus à notre table.
Cette récompense n'allait évidemment pas suffire à apaiser Raistlin pour le mal qu'il s'était donné, mais il repensait à cette proposition du repas chaud et il ne lui faudrait pas réfléchir bien longtemps avant de donner sa réponse.

Après avoir accepté l'invitation, les aventuriers demandèrent à Brock s'ils pouvaient lui poser quelques questions, en privé. Il n'était pas encore l'heure du souper, et tout le monde aurait le temps d'assister à l'audience du Grand Manoir jusqu'à la fin. Ils avaient donc le temps. Aussi Brock invita-t-il Evart et Raistlin dans sa maison. Sa soeur allait reprendre son ménage et la mère resterait en sa compagnie afin que les trois hommes puissent discuter tranquillement à l'intérieur. La maison à proprement parlé n'était pas très grande, mais elle compensait sa taille par son confort. Les meubles appartenaient à une catégorie de famille aisée : un tapis richement décoré au centre de l'unique pièce, des tapisseries de soie et une bannière accrochée au-dessus de la cheminée. Sur la bannière était représentée une épée similaire à celle dont disposait maintenant Evart. L'histoire de la famille de Brock devait être riche en enseignement mais avec le temps, leur réputation s'affaiblit. Bien que leurs possessions soient restées les mêmes, la taille de leur habitat rétrécicait.

Brock emmena les deux aventuriers dans sa chambre, en empruntant l'une des trois portes présentes dans la pièce. En entrant dans sa chambre, Brock s'arrêta un instant et inspecta son contenu : cela faisait une éternité qu'il n'y avait mis les pieds. Il fut étonné de trouver toutes ses affaires à leur place, rien n'avait été jeté ou vendu. Il ferma la porte et installa deux chaises pour ses deux interlocuteurs. Tout en examinant la pièce, Brock se remémora quelques souvenirs de son adolescence ; certaines nuits où il n'arrivait pas à dormir, parfois son père qui entrait avec fracas pour le gronder... ce genre de choses. Puis il se reprit et dit :
- Bien, je vous écoute.

Il ne leur fallut pas longtemps pour atteindre la maisonde Brock qui ne semblait pas bien imposante, devant celle-ci, une femme d’âge moyen balayait l’entrée qui les interpella avant que Brock ne lui fasse comprendre que c’était lui. Cela devait faire longtemps qu’il était parti puisqu’elle ne l’avait pas reconnu. Quoiqu’il en soit, ils purent assister à des retrouvailles émouvantes puis des présentations où Brock n’hésita pas à mentir sur ce qu’il s’était passé, cependant, il se rapprocha d’Evart pour lui murmurer que tous connaitront bientôt la vérité.

Il promit ensuite de se rendre au plus tôt au Grand Manoirmais donna à Evart une épée longue arguant que son père, à qui appartenait l’épée, préfèrerait le voir dans les mains d’un bretteur comme le cormyrien. Celui-ci apprécia le geste même s’il soupçonnait que cela soit pour l’amadouer. Quoiqu’il en soit, Evart soupesa l’arme qui s’avérait parfaitement équilibrée avec une garde longue qui se rabattait sur le devant dans un entrelacs de courbes. Sa lame droite brillée au Soleil tandis que sa lame, à la fois simple et complexe, élégante mais fonctionnelle. Le père de Brock avait dû être un bon bretteur, suffisamment riche pour se payer une telle arme, à moins que cela ne soit un cadeau.

Ensuite, ils leurs proposèrent de rester le soir pour le repas tandis qu’Evart lui demanda :

-J’aimerais bien vous poser quelques questions avant que l’on se rende au Grand Manoir. Peut-être pourrions-nous en discuter dans un endroit plus « adapté ».

Il les mena donc dans la pièce centrale qui était richement décoré. D’une certaine façon, Evart retrouvait un peu de sa demeure de Padraig avec de grandes tapisseries ou tapis, mais, ce qui attira le plus son œil, était une bannière décorée d’une épée similaire à celle qu’il lui avait donné. L’importance de son épée était donc largement supérieure à ce qu’il avait estimé. Cela le touchait donc plus qu’au début. Quoiqu’il en soit, la qualité du mobilier indiquait qu’ils étaient issus de la haute-société locale, mais la taille de la maison indiquait que leur fortune avait décru. Quoiqu’il en soit, Brock les amena jusqu’à sa chambre où Evart lui posa plusieurs questions :

- J’aurais voulu savoir comment vous avez rejoint les pirates ? Comment fonctionne leur organisation et leur alliance avec les hommes-lézards ? Qui est Rhadjiara ? Comment opèrent-ils et quels sont les lieux que vous connaissez où ils sont établis ? Ont-ils des hommes ici ou à Tal’Tressir ? Y-a-t-il une faille ou des informations intéressantes à savoir sur leur campement ?

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L'interrogatoire d'Evart embarrassa quelque peu Brock, même si celui-ci s'attendait à se voir poser ce genre de questions. Il lui répondit de suite, sans prendre le temps de réfléchir :
- Je pensais que vous auriez quelque chose de plus personnel à me demander... Vous savez, toutes ces questions me seront posées à l'audience dans le Grand Manoir. Qu'avez-vous en tête exactement ? Je ne comprends pas. Nous devrions y aller sans plus tarder.
L'impatience du jeune homme semblait suspecte. Soit il préparait quelque chose, soit il était décidément prêt à avouer tout ce qu'il avait fait dans l'espoir d'être à nouveau accepté parmi les siens, tout en fournissant une bonne occasion de se rendre utile à la communauté. Quoiqu'il en soit, Brock se leva et était sur le point de s'en aller. Il patienta tout de même quelques instants, au cas où Evart protesterait.

Même s'il pouvait le comprendre et s'il ne le montrait pas, Evart était quelque peu agacé par la réaction de Brock. Quoiqu'il en soit, il dit poliment :

- Loin de moi l'idée de vous braquer car je pense que nous avons le temps pour parler de sujets personnels surtout vis-à-vis de votre famille. Mais, ayant quelque formation de juriste, je suis à peu près certain que l'image que peut avoir certaines personnes dans notre position est importante devant des juges et surtout si vous nous avez aidé à plusieurs reprises. Ce n'est absolument pas du chantage mais je sais que les peuples qui sont en paix depuis, au moins vingt ans voir plus, ont parfois tendance à sous-estimer certaines menaces, notamment s'ils ne sont pas éclatantes. C'est une erreur que je voudrais vraiment vous évitez, pour cela, il faut que j'en sache plus. J'ai vu un certain nombre de choses et plus j'en apprendrais, plus je pourrais les mettre en relations aisément et aider vos magistrats. Mais, comme toujours, cela peut demander un petit peu de temps, comme celui qui peut nous permettre d'aller d'ici au manoir. C'est pour ça que je vous demande de me parler sur les sujets qu'on a évoqué.

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La proposition du Cormyrien était très intéressante, et avantageuse pour Brock qui n'était pas très doué pour raconter les choses telles qu'elles se sont produites. Evart semblait plus à l'aise avec ce genre de choses et son expérience pourrait certainement faire pencher la balance en sa faveur. Tout en ayant l'air pleinement convaincu, il répondit :
- Je vous crois sur parole ; vous m'avez l'air d'en connaître un rayon sur la justice. Ce mot a plus de valeur à Tal'Tressir, mais les magistrats d'ici font bien leur travail. Je pense que tout devrait bien se passer si nous prenons le temps de préparer l'audience. Je ne pensais pas utiliser cette expression mais, il semble que cela ressemblera à mon procès. Dans ce cas, nous avons droit à un Protecteur. Notre système ne vous est pas étranger, je suppose.

L'interrogatoire allait donc se transformer en discussion en vue de la préparation de l'audience. Brock demanda à Evart de lui rappeler les questions qu'il lui avait posées. Il répondit à chacune d'elle une par une, en s'efforçant d'être honnête et en fournissant à son Protecteur tous les détails possibles.
- Bien. Pour commencer, je voudrai savoir de quelle manière vous avez rejoint les pirates.
- Cette question est probablement la plus embarrassante. On ne m'a pas enlevé alors que j'étais enfant, ou autre chose. Voyez-vous, je les ai rejoint de mon plein gré. Un jour où je me promenais dans la jungle, conscient du danger.. attendez, je n'ai pas besoin de tout vous raconter. Pour faire court : j'étais furieux contre mon père et j'avais décidé de lui montrer ce que je savais faire. Sans vouloir déshonnorer sa mémoire, il n'a pas été un bon père pour moi. Lorsque je fis la rencontre avec les pirates, je leur proposai de me joindre à eux. Je n'avais pas peur d'eux, j'avais réellement envie de tout quitter pour une nouvelle vie. Une vie d'aventure ; quelle bêtise. A ce moment précis, je ne pensais absolument pas à ma mère, ni à ma soeur. Tout ce qui me préoccupait, c'était la rage envers mon père.

J'ai donc été emmené dans leur camp, dans la jungle. Au début, je ne servais pas à grand chose, à part faire la cuisine et ranger le bazar, les caisses et tout et tout. Plus je grandissais, plus j'avais espoir qu'un jour je dirigerai ces hommes. Oui, dans ma famille, on aspire à de hautes fonctions. En vérité, plus le temps passait, plus ma fonction au sein de leur communauté se dégradait. De cuisinier, je passai à homme de ménage. Puis je servai d'appât pour les gros gibiers. Parfois j'assistai à des raids sur la cité. Si je me suis dissimulé en arrivant en ville, c'est parce que j'avais peur que quelqu'un me reconnaisse. Ensuite, d'appât je passai au rang de nettoyeur de cadavres. Je ne souhaite pas me rappeler cette triste époque. Je commençai alors à perdre espoir.

Après plusieurs années, je fus transféré du camp de la jungle aux cavernes que vous avez explorées. Les choses se sont empirées. Je suis finalement passé du rang d'esclave à celui de... comment dire. Disons que j'étais chargé de nourrir les arachnides. Au début, j'avais la trouille rien qu'à l'idée de penser à ces affreuses bêtes. Et puis, j'ai repris courage en sachant que les araignées étaient incapables de me faire du mal tant que le Maître les contrôlait. Je veux bien entendu parler de Rhadjiara. Personnellement, je ne l'ai jamais vu, pas son visage du moins. Les rares fois où il apparaîssait aux serviteurs, c'était dissimulé sous une épaisse couche de vêtement. Etant donné sa corpulence et ses mouvements, je dirai qu'il n'est pas humain.
- Il s'agit peut être d'un Homme-Lézard ?
- Non, eux étaient bien différents. J'ai fait leur connaissance dans les cavernes. J'en avais déjà vus dans mon enfance, lorsque je vivais encore auprès de ma famille. Ils sont pire que les pirates, car en plus de vous maltraiter, ces reptiles n'attendent qu'une occasion pour vous dévorer. Parfois... souvent en fait, ils s'en prennaient également aux pirates.
- Pour en revenir à Rhadjiara, que pouvez-vous me dire de plus à son sujet ?
- Et bien, ce devait être une personne très particulière. Bien sûr, c'était le chef de tout le réseau, mais ce devait être une créature d'une grande intelligence. Lorsqu'il s'exprimait, il le faisait de façon très spéciale, et sa voix semblait altérée par la magie. Il usait de magie, constamment. Il devait préparer des plans pour envahir et prendre le contrôle de Zi'Hafa, mais je ne sais malheureusement rien de plus. Les réunions importantes se faisaient dans la Grotte du Rituel, et c'est celle qui se trouve de l'autre côté des portes, au fond de la grande caverne.

- Parlons maintenant des Hommes-Lézards, des relations entre eux et les pirates.
- Je suis désolé mais je ne sais rien à ce sujet. Je ne sais pas comment ils sont parvenus à s'allier avec les hommes. Le Maître doit y être pour quelque chose. Peut être leurs objectifs sont-ils similaires.
- La prise de Zi'Hafa ? Ils doivent avoir plusieurs camps disséminés sur l'île s'ils veulent que leur plan aboutisse.
- En vérité, ils en possédaient plusieurs dizaines il y a fort longtemps. Mais les expéditions menées par les Elfes ont été couronnées de succès et pour finir, il ne restait plus grand chose. La plus grande de leurs installations est la caverne où vous m'avez trouvé. Mais je soupçonne l'existence d'un repaire plus secret. Peut être sur les petites îles, je ne sais pas.

- Tout ceci est fort intéressant. Une autre question : ont-ils des hommes ici ou à Tal'Tressir ?
- Non. Ils n'essaient jamais de s'infiltrer dans les villes. Pourquoi, je l'ignore.
- Quelles sont leurs tactiques dans ce cas-là ?
- Et bien, n'importe qui dans cette ville pourrait répondre à cette question. Ils lancent de petits raids contre les habitations à l'extérieur aux bons moments, quand la garde est affaiblie. Ils ramènent leur butin dans leur camp en s'assurant de ne pas être suivis. La jungle est un bon endroit pour disparaître. Ensuite, ils acheminent leur trésor jusqu'aux cavernes. Avant que je ne m'occupe des araignées, j'étais toujours chargé de ranger le matériel dans le camp. Je peux vous dire que les bonnes trouvailles étaient extrêmement rares. Je me demandais comment ils faisaient pour garder le moral après cela. Mais, je n'étais pas au courant de toutes leurs activités bien évidemment.

- Très bien. Je n'ai pas d'autre question pour l'instant. Laissez-moi quelques minutes pour revoir ça, je vais voir ce que je peux faire. Nous en reparlerons plus tard.
- Merci... je veux dire, merci pour votre aide. Je pense qu'il faudrait insister sur la menace qu'ils représentent. Nous savons où ils se trouvent, depuis longtemps en vérité. Mais personne n'a osé retourner dans ces cavernes depuis l'histoire de Glathir Galot. Voulez-vous que je vous la raconte ?
- Nous l'avons déjà entendue. Plus exactement, nous avons lu certains de ses journaux à la bibliothèque. Nous avons même pu parler à sa mère qui vit encore ici.
- Bien, dans ce cas, je vais vous laisser, sur ce, il se leva.
En raison du temps passé à discuter, assis, Brock avait la jambe droite engourdie. Il trépigna jusqu'à la porte et était sur le point de partir lorsqu'Evart l'interpella pour lui demander une dernière chose. Le Cormyrien souhaitait en savoir un peu plus sur le système judiciaire de la cité, et du royaume en général.
- Je ne suis pas très au fait de ces choses-là, et depuis mon absence, beaucoup de choses ont pu changer. Je pense que ma soeur serait plus à-même de vous répondre. Je vais la chercher. Quant à moi, j'ai besoin de prendre l'air.

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Durant toute la conversation, Raistlin était resté muet et il trouvait cela plutôt ennuyant. Brock avait fait comme s'il n'existait pas et ce n'était pas pour plaire au magicien. Lorsque le jeune homme s'absenta, il laissa la porte entr'ouverte. Prendre l'air n'était pas la seule raison de son départ, il avait surtout besoin de parler à sa mère. Les deux aventuriers ne restèrent pas longtemps seuls car Jensen, la soeur, fit rapidement son apparition. A la lumière qui passait à travers la fenêtre, son visage reflétait la jeunesse. Elle n'avait pas encore atteint l'âge adulte mais déjà elle surpassait son frère en taille, ce qui pouvait paraître surprenant. Sa beauté était indéniable, et sa longue chevelure brune y était sans doute pour quelque chose, et cependant son sourire quasi inexistant contrastait de prime abord. Il était certain que les moments de joies furent rares dans sa vie, entre un père décédé et un frère disparu lorsqu'elle n'était encore qu'une enfant, Jensen n'avait pu compter que sur sa mère. Le bonheur qu'elle éprouvait d'avoir retrouvé Brock ne laissait rien paraître sur son visage. Elle pénétra dans la chambre en laissant la porte ouverte et s'assit sur le lit sans dire mot, dévoilant un caractère assez timide. Elle n'avait pas l'habitude de se retrouver seule avec des inconnus.

- Brock m'a dit que vous vouliez en apprendre plus sur nos lois. Que voulez-vous savoir ?
- C'est exact. Je dois en apprendre plus si je veux être son Protecteur.

La discussion qui allait débutait n'intéresserait sûrement pas Raistlin, aussi décida-t-il de se mettre dans un coin pour étudier son grimoire de sortilèges après avoir fait part aux autres qu'il ne prenait pas part à la conversation. Lire son grimoire maintenant lui ferait gagner du temps sur ses prochaines lectures.

- Bien, vous devez savoir que notre chef le plus respecté est Alkar le Sage. Cela fait plus d'un siècle qu'il dirige notre communauté ; il a eu une vie incroyablement longue grâce au pouvoir des Elfes mais malheureusement il faiblit de jour en jour. Ce sont donc ses conseillers qui remplissent ses fonctions. Ils sont au nombre de cinq : les quatre premiers sont des humains, deux hommes et deux femmes, nommés par Alkar, tandis que le cinquième membre est un émissaire Elfe de Tal'Tressir qui prend rarement part aux débats.

La criminalité à l'intérieur de la cité est quasiment nulle. Nous connaissons quelques vols mais jamais rien de grave. Les problèmes auxquels nous devons faire face proviennent des bandits et des pirates, à l'extérieur de la ville. Ainsi, les affaires de justice sont très rares. Nous avons donc une prison, mais pas de tribunal. Tous les conflits mineurs sont réglés au manoir d'Alkar, où siègent ses conseillers. Si une affaire réclame un véritable procès, nous devons nous déplacer jusqu'à Tal'Tressir. En ce qui concerne le déroulement des audiences : chaque accusé doit être accompagné d'un Protecteur. Il s'agit d'une personne de confiance qui fera en sorte de défendre l'accusé auquel il est attaché. L'accusé et le Protecteur doivent bien s'entretenir avant l'audience car il n'a pas le droit à la parole, sauf si l'un des conseillers lui pose une question, ou que le Protecteur de l'autre partie (en cas de conflit entre deux personnes) lui pose également une question. Le Protecteur doit ainsi bien connaître l'affaire qui le concerne, et l'accusé qu'il défend. Les audiences ne peuvent être repoussées, ou se dérouler pendant la nuit. Elles ne durent donc pas plus d'une journée. A la fin de la journée, les conseillers rendent leur verdict, même si l'affaire n'a pas été complètement réglée. Dans ces cas là, les véritables procès ont lieu à Tal'Tressir. Concernant le verdict : seuls les quatre premiers conseillers s'expriment. Le cinquième ne peut juger qu'en cas d'égalité entre les autres conseillers.

Que pourrais-je vous dire de plus ? Je ne sais pas vraiment. Peut être que toutes nos règles vous sont familières mais quoi qu'il en soit nous verrons bien pendant l'audience.

Aussi impressionnant que cela puisse paraître, Jensen n'avait pas cessé de parler durant son explication et n'avait pas laissé à Evart la moindre opportunité de poser une question. Ce constraste avec son caractère timide pouvait s'expliquer facilement : elle était plutôt douée à l'école et apprennait de bon coeur l'histoire de son pays, les traditions de son peuple et le fonctionnement de la société. Une véritable savante, en soi. Peut être irait-elle travailler pour le tribunal dans un proche avenir.

Evart avait pensé lui poser quelques questions supplémentaires mais il ne se donna pas cette peine en se disant qu'ils verraient bien comment cela se déroulera pendant l'audience, qui ne devrait plus tarder maintenant. Jensen se leva et invita Evart, puis Raistlin, à quitter la chambre de Brock. Le magicien rangea ses grimoires, conscient qu'il n'avait pas appris grand chose durant ce court laps de temps. Il se demandait également ce qu'il allait bien pouvoir faire pendant cette fameuse audience, car bien sûr la parole reviendrait à Evart, qui était dès lors considéré comme Protector officiel de Brock. D'ailleurs, celui-ci attendait les aventuriers à l'extérieur de sa demeure, en compagnie de sa mère.

- J'espère que vous êtes prêt car je dois vous avouer que je ne le suis pas. Nous aurons un petit moment avant l'audience pour discuter et élaborer votre discours. A présent, nous allons nous diriger vers le grand Manoir ; si vous vous voulez bien vous donner la peine... conclua-t-il en indiquant le chemin à Evart.
Raistlin suivit le Cormyrien, et la famille marcha derrière eux, de front, car ils avaient bien entendu encore beaucoup de choses à se raconter.

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Zi'Hafa n'étant pas une cité très vaste, le trajet jusqu'au grand Manoir ne dura qu'un instant. La troupe arriva devant une petite clôture, suffisamment haute pour qu'un individu de taille normale ne puisse la franchir sans effort, mais suffisamment basse pour ne pas gâcher la beauté du splendide jardin qui se trouvait derrière. La barrière était ouverte et Brock se permit de pénétrer en premier dans l'enceinte. Quelques palmiers avaient été plantés pour créer des zones d'ombre et laisser les fleurs qui s'étalaient au sol respirer sous un soleil trop présent. Il y avait même un petit lac artificiel qui regorgeait, non pas de poissons, mais d'algues prélevées dans l'océan voisin. Cela ressemblait tout simplement à une petite oasis au milieu de la civilisation, car les murs omniprésents qui entouraient la cité étaient en contraste avec la nature. Le grand Manoir était bel et bien un grand édifice qui se mesurait aux temples de la cité. Un ouvrage de pierre et de bois dont l'architecture différait des autres bâtiments. A première vue, il y avait bien trois étages et une petite tour qui montait pratiquement à la hauteur des remparts. Brock emprunta le petit sentier qui menait jusqu'à la porte du manoir. Aucun garde n'était présent et la porte était grande ouverte en raison de la chaleur.

Sans avoir le temps de faire des remarques, Evart et Raistlin entrèrent dans le manoir. Après que leurs yeux se furent habitués à la semi-obscurité qui régnait ils découvrirent devant eux un mur décoré de tableaux réalisés par divers peintres, professionnels ou amateurs, de la cité. Chacun était daté et signé, et représentait des scènes de la vie quotidienne à Zi'Hafa. Les aventuriers n'étaient peut être pas amateurs d'oeuvres d'art mais il fallait avouer que le couloir dans lequel ils se trouvaient était relativement bien décoré. Des plantes un peu partout, un tapis bleu qui recouvrait la moitié du plancher en bois. L'intérieur était très confortable, et le style ressemblait étrangement aux manoirs qu'on pouvait visiter dans les régions connues de Faerûn, telle le Cormyr. En aucun cas il n'avait l'apparence ni la fonction d'un palais qui se situait en bord de mer dans un pays tropical.

Il n'y avait toujours aucun garde dans l'edifice, mais quelqu'un surgit à gauche et vint à la rencontre des visiteurs. C'était une femme simplement vêtue d'une robe blanche aux manches noires retroussées. Elle avait tout d'une servante.
- Bonjour, dit-elle sur un ton enjoué, que puis-je faire pour vous ?
Brock, pensant être l'homme de la situaton, prit la peine de répondre.
- Bonjour, je solicite une audience auprès du conseil. J'ai besoin de...
- C'est mon fils Giselaine ! interrompit sa mère qui semblait connaître la servante.
Les deux femmes venaient de se remarquer et ladite Giselaine fit les gros yeux en inspectant Brock des pieds à la tête. La mère était encore sous le choc et l'autre femme semblait tout aussi touché.

Après une séance émotion qui n'intéressait nullement les voyageurs, la discussion reprit et Brock put expliquer pourquoi il nécessitait une audience. Il fit un résumé de son aventure et de sa vie au sein du groupe des pirates et il dit qu'il avait des informations pour les magistrats, et qu'il pourrait se faire interroger par la même occasion. La servante répondit d'un air naturel :
- Pour l'instant ils prennent le thé dans l'atrium. Je vais voir s'ils sont disponibles ensuite.
Puis elle s'éclipsa pendant quelques instants en repartant d'où elle était venue. Elle ne devait pas être partie très loin car on pouvait l'entendre parler, même si son discours était incompréhensible. Des bruits de vaisselle se firent également entendre et finalement Giselaine revint avec un sourire.
- Ils acceptent de vous parler, ils sont impatients d'entendre ton récit Brock.

Giselaine conduisit donc les visiteurs jusqu'aux magistrats. Elle prit le couloir de gauche et tourna à droite arrivée au coin. A l'autre bout du manoir était disposée une table et quatre chaises sur lesquelles étaient assis les quatre dignitaires. Ils discutaient et buvaient leur thé comme si de rien n'étaient, oubliant qu'ils allaient recevoir de la visite. Lorsque la servante fit une annonce, ils levèrent tous leur nez vers les visiteurs et posèrent leur tasse tous en même temps. En dépit de ce geste commun, ils se différenciaient tous les uns des autres ; autant par leur physique que par leur façon de se comporter. Le premier à prendre la parole était un homme qui dominait ses collègues par sa taille impressionnante et son visage qui semblait taillé dans la pierre. Son crâne aussi, complètement chauve, laissait supposer ce genre de pensée. Il ne portait pas d'arme mais il paraîssait évident que cet homme se rangeait dans la catégorie des guerriers.
- Ainsi, l'un de nos frères perdus est de retour, dit-il d'une voix autoritaire qui laissait présumer son rang.

On avait beaucoup parlé de Brock après sa disparition, et lui-même n'avait jamais eu affaire aux magistrats pendant son enfance. Il allait apprendre à les connaîtres lors de ce procès. Ne sachant pas comment s'adresser à eux, Brock commença par s'excuser de son intrusion :
- Pardonnez-moi de vous déranger pendant votre thé, je solicite une audience car j'aurais des informations au sujet du repaire des bandits pirates, et de leurs plans. Son regard croisa ensuite celui d'Evart et aussitôt il reprit. Je dois vous dire que durant toute ces années je n'étais pas prisonnier, enfin pas vraiment. Disons que je travaillais pour eux, conclua-t-il sans aucune fierté.
- Une audience s'impose en effet, répliqua un autre membre du conseil.
Il s'agissait du deuxième homme qui siégeait au conseil des Magistrats. Lui avait des cheveux, courts mais il en avait. Une coupe assez carré, très soignée et rien qui ne dépassait. Il possédait une petite moustache, tout aussi bien soignée qui lui donnait un genre aristocrate. Sa voix était calme et posé et contrastait avec celle du premier homme. Sa carure aussi était différente ; lui serait plutôt à considérer parmi les gens du peuple.
- Nous allons en discuter puis convoquer la population, continua-t-il. Giselaine va vous conduire dans la salle d'audience qui se trouve juste à côté. Ensuite Brock tu iras dans la chambre adjacente pour te préparer avec ton Protecteur si tu en as un. Si ce n'est pas le cas, je peux t'en trouver un.

Comme ce ne fut pas le cas, la servante put amener les visiteurs dans la salle d'audience. Elle ouvrit l'immense porte avec une clé qu'elle gardait sous un pli de sa robe et pénétra à l'intérieur. La salle n'était pas aussi grande qu'un tribunal habituel du Cormyr par exemple, et il n'était pas assez grand pour accueillir toute la population de Zi'Hafa ; mais sa taille était respectable et l'ambiance correcte. Les fenêtres sur le mur nord ne servaient pas à grand chose car elles donnaient sur le mur d'enceinte, qui empêchait la lumière d'éclairer intégralement la salle. L'estrade sur laquelle se trouvaient les sièges des magistrats était à l'opposé des fenêtres et sur la droite lorsqu'on entrait par la porte principal. Les quatres sièges étaient peints d'une couleur différente : un vert, un jaune, un rouge et un bleu. Au-dessus de chacun d'eux pendant une bannière avec le symbole correspondant à la fonction du magistrat. Deux tables étaient disposées devant l'estrade : une réservée à chacune des partie lors d'un conflit entre deux personnes. Les bancs réservés au public se trouvaient devant les fenêtres. Une petite porte était visible dans le fond et donnait accès à une petite pièce généralement utilisée pour les préparations avec les Protecteurs et les accusés.

La mère de Brock embrassa son garçon avant de le quitter. Elle s'en alla discuter avec Giselaine en attendant l'audience. Jensen souria, ce qui ne paraîssait pas naturel du tout sur son visage, puis s'en alla également, laissant les aventuriers seuls avec Brock. Raistlin n'avait rien à faire dans la pièce réservée au Protecteur et à son accusé, aussi décida-t-il d'aller explorer le manoir étant donné qu'il n'y avait toujours aucun garde en vue. Il souhaita bonne chance à son compagnon en lui disant qu'il serait là pour l'audience bien évidemment. Le magicien passa devant les magistrats qui terminaient leur thé puis disparut. L'un d'eux allait bientôt se rendre auprès des deux visiteurs pour leur expliquer comment l'audience allait se dérouler...

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Le magistrat qui se rendit dans la petite salle était l'homme à la moustache. Il faisait beaucoup plus petit lorsqu'il était debout, sa taille avoisinait les un mètre soixante. Peut être avait-on mis des coussins sur sa chaise, à la table du thé. Quoiqu'il en soit, il souriait à la vue des deux visiteurs.
- Bien, nous allons pouvoir commencer. Tout d'abord, les présentations : je m'appelle Yeliande et je suis le magistrat chargé des affaires administratives de Zi'Hafa. En d'autres termes, je gère tout ce qui est commerce et vie publique. J'ai été nommé par Alkar le Sage il y a de cela dix ans et depuis la cité a beaucoup prospéré. Ce n'est pas un travail très reposant, mais on s'y fait au bout d'une année ou deux.

Il semblait avoir la langue bien pendue, et il fallut encore attendre un moment avant que les autres ne puissent se présenter. Yeliandre connaissait un peu Brock. Il ne l'avait jamais vu mais il en avait entendu parler. L'histoire d'Evart fut beaucoup intéressante à ses yeux car un étranger venant des lointaines contrées de Faerûn était un sujet peu répandu dans l'archipel. Pour le petit homme, il s'agissait d'une sorte d'admiration qu'il avait depuis qu'il était tout petit, et maintenant il aspirait à visiter ces régions, peut être pour y faire du commerce et amasser quelque profit. Outre les présentations, il était temps d'aborder le sujet qui les concernait tous : l'audience.
- Voici comment cela va se dérouler : tout d'abord le public prend place dans la salle. Nous passons une annonce dans la ville et ceux qui souhaitent assister à l'audience doivent se rendre immédiatement au Manoir. Une fois la salle remplie, on ferme les portes et les magistrats prennent place chacun leur tour. L'un de nous proclame un discours avant de faire intervenir les Protecteurs suivis de leur accusé. Ensuite c'est au tour du Protecteur de se présenter, lui-même et son accusé, son histoire et la raison de son accusation. Vous serez seul à parler car il est interdit à l'accusé de prendre la parole sauf si une question lui a été posée. Le déroulement de l'audience est très simple : dans l'affaire qui nous concerne, les magistrats seront les seuls à poser des questions. Nous sommes vraiment curieux d'en savoir plus sur la menace des pirates, alors attendez-vous à devoir répondre à de multiples questions. Je pense que cela va paraître évident, mais tâchez de répondre clairement aux interrogations. Nous avons les moyens de savoir si oui ou non vous dîtes la vérité. Il marqua une petite pause et afficha de nouveau son sourire en guise de conclusion, puis il reprit. Avez-vous des questions ? Ce seront les seules que vous pourrez poser !

Pendant un moment, Evart posa de nombreuses questions à Brock sur les pirates et ce qui l'avait mener à les rejoindre. Le fait qu'il les ait rejoint de son plein gré n'était pas un élément en sa faveur mais beaucoup d'autres facteurs permettrait certainement de « minimiser » son rôle. Ce qui l'inquiéta plus c'était cet énigmatique personnage : Rhadjiara, il s'agissait peut-être d'un de ces Ssri-tel-quessir, en outre, il semblait être un magicien et le chef de ce réseau hétéroclite, c'était inquiétant et Evart craignait que les magistrats ne prennent cela à la « légère ». Quoiqu'il en soit, il devait en apprendre plus sur le système juridique local s'il voulait défendre convenablement Brock.

La sœur de ce dernier fut à même de répondre à une partie de ces questions. Ainsi, la justice appliquée à Zi'Hafa était relativement classique. Cependant une chose le choqua profondément, le procès s'arrêtait obligatoirement en fin de journée et le verdict était rendu, aux yeux du cormyrien, et surtout du prêtre de Tyr, Dieu de la Justice, c'était un effroyable déni de justice, celle-ci prenait du temps et on ne pouvait trancher sur la culpabilité ou l'innocence d'un homme sans avoir tous les éléments à sa disposition, cela allait à l'encontre même des principes de la Justice. Quoiqu'il en soit, il devait se conformer aux usages locaux et il ferait de son mieux pour y arriver.

Ils purent donc partir vers le manoir où ils furent reçu par quelques « magistrats » si on pouvait donner ce nom à des conseillers exerçant la justice au nom d'Alkar. L'un d'eux semblait être un guerrier, les capacités d'un guerrier a exercé la justice étaient réellement « indiscutables », mais il pouvait être un allié de poids si Evart et Brock parvenait à le convaincre de la menace. L'autre homme était certainement un marchand ou un aristocrate aux vues de ces manières et de ses habits, tous impeccables. Quoiqu'il en soit, on les amena jusqu'à la grande pièce qui faisait office de tribunal. Elle semblait assez hétéroclite mais elle était richement décorée avec de grandes teintures, s'ils étaient faites ici, elles permettraient certainement un commerce dynamique avec Féérune.

Une fois dans une petite pièce attenante, le petit magistrat tiré sur quatre épingles les rejoint. Il leur expliqua comment aller se dérouler le procès. Puis il lui demanda s'il avait des questions, ce à quoi Evart répondit :

- En effet, j'en ai plusieurs. Premièrement j'aurais voulu savoir s'il y avait un grand principe qui régissait la justice à Zi'Hafa, un fondement duquel les lois découleraient. En outre, j'aurais aimé savoir quelles sont les fonctions occupées par les autres magistrats.

En cette belle journée, alors qu’Evart préparait consciencieusement l’audience de Brock, le jeune mage lui n’avait pas la moindre pensée pour la justice ou la défense de leur nouvel « ami ». Prenant congé de son compagnon et des magistrats, il n’avait qu’une seule idée en tête : le crâne que sa présence d’esprit l’avait poussé à abandonner derrière lui dans la grotte.

L’objet possédait une aura malsaine - ténébreuse même ? -, et peut être était-il magique ? Raistlin y avait pensé fiévreusement et avait été déterminé à s’en emparer. Mais comment réagirait un prêtre de Tyr, divinité bienveillante, face à l’irrépressible convoitise du sorcier ? Conscient du dégoût profond qu’inspirait le crâne à son compagnon, mais aussi de sa propre faiblesse physique, Raistlin avait mis de l’eau dans son vin. Si la magie et les ténèbres l’attiraient, il n’en tenait pas moins à la vie.

Un sorcier mort ne résout pas les mystères des arcanes, conclut-il en sortant sur porche de la bâtisse qui abritait le tribunal.

Le soleil était haut dans le ciel et baignait de sa lumière le visage du mage. Alors qu’il marchait légèrement appuyé sur son bâton Raistlin sentit le vent dans son dos. Soudain il se souvint. Dans la grotte des hommes-lézards, l’araignée ignominieuse avait planté son dard dans le dos du jeune homme. Bien qu’il ne répugne à l’admettre, il ne devait la vie qu’à l’intervention salutaire d’Evart qui l’avait soigné.

Le jeune mage ne pouvait décemment conserver des robes ainsi percées, aussi décida-t-il de se mettre en quête d’un quelconque tailleur, mettant à profit le temps qu’il avait devant lui. Raistlin avisa un passant et lui demanda simplement :

- Bonjour, pourriez-vous m’indiquer s’il y a un quelconque tailleur ou marchand de vêtements ici ?

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Ainsi Evart souhaitait utiliser la base même des lois du pays au cas où quelque chose ne tournerait pas à son avantage. Il prenait son rôle très au sérieux et espérait donc obtenir toutes les réponses à ses questions afin de pouvoir comprendre au mieux dans quoi il était impliqué. Le fait que les procès ne duraient pas plus d'une journée paraissait être une abérration aux yeux du Cormyrien. Malheureusement pour lui, la cité ne disposait pas d'un système juridique très développé, aussi Yeliandre lui répondit qu'il n'avait pas de textes écrits ici, à Zi'hafa, mais que la bibliothèque de Tal'Tressir pourrait contenir des ouvrages intéressants au sujet des lois érigées par les Elfes.
- Je n'ai hélas pas eu l'occasion de pouvoir lire ces textes de mes propres yeux, dit-il. Mais ne vous inquiétez pas, tout se passera bien. En dépit de nos lois, il n'y a quasiment jamais eu de procès qui se soit mal terminé.
Evart avait immédiatement noté le "quasiment" employé par le magistrat, mais il n'en fit rien car son interlocuteur continuait déjà en répondant à la deuxième question.
- Mes collègues et moi-même sommes chacun assignés à une fonction bien particulière. La mienne n'ayant plus de secret pour vous, je vais vous dire ce qu'il en est des autres : Glaemar était notre ancien capitaine de la milice et a été récompensé par Alkar le Sage pour ses services rendus. Entre vous et moi, je pense qu'il était beaucoup plus à l'aise sur le terrain qu'assis sur une chaise à remplir les formalités administratives. Il s'occupe donc de notre milice à un niveau plus élevé. Ensuite il y a Branwen et Naya ; la première est la grande prêtresse du temple de Waukyne et Naya est un membre éminent de la guilde des mages de Tal'Tressir. Son rôle à Zi'hafa est très limité car, si je ne me trompe pas, elle est la seule à pratiquer la magie ici !

Une cloche retentit dans la salle d'audience au moment où Yeliandre finissait son explication. Il parut surpris sur le coup mais répondit à Evart que le premier coup signifiait que les magistrats devaient se préparer et que les visiteurs allaient être autorisés à entrer dans quelques minutes. Il restait donc du temps pour préparer l'audience.
- Il va falloir que je vous quitte. Si vous n'avez pas d'autre question, je vais me retirer. A tout à l'heure !
Il se retira avec le même sourire qu'il arborait habituellement et la pièce redevint silencieuse, comme par magie. Evart et Brock utilisèrent donc les dernières minutes qu'il leur restait à peaufiner les derniers détails concernant son récit. Le Cormyrien allait être le seul à pouvoir s'exprimer, et il ne pourrait pas demander davantage de précisions durant l'audience. Lorsqu'ils eurent terminés, la cloche retentit à nouveau ; signe que les visiteurs avaient tous pris place, ainsi que les magistrats, et que le Protecteur et son accusé allaient pouvoir entrer.

La salle d'audience et bondée, tous les bancs étaient occupés ; il n'y avait pas une place de libre. C'était plutôt surprenant pour une ville de cette taille et en dépit de la nature du procès. Soit Brock jouissait d'une réputation qui le précédait, soit l'activité urbaine était si morne que la moindre audience au Conseil rameutait toute la population. Le vacarme remuait toute l'assemblée et la plupart des citoyens bavardaient de tout et de rien, ne prêtant pas attention aux personnalités concernés par l'affaire du jour. Le silence n'ayant pas été donné, les magistrats en profitaient aussi pour discuter. On pouvait voir et entendre la magistrate Naya rire aux éclats suite à une blague de Glaemar qui était assis à sa gauche. En résumé, le sérieux n'était pas le fort des habitants de Zi'hafa lorsqu'il s'agissait de justice ou d'affaire politique. Evart s'avançait vers la table qui lui avait été indiquée tout en jetant un regard dans la foule. Il n'était pas de nature timide, bien au contraire ; il avait l'habitude de cotoyer beaucoup de gens dans son pays natal. Mais cela faisait un moment qu'il n'avait revu sa patrie d'origine. Son dernier bain de foule remontait à sa visite de Tal'Tressir mais ce n'était pas comparable. Parmi les gens du public, un visage familier retint son attention : un homme plutôt âgé à la barbe et à la robe couleur argentée. L'alchimiste Shedin allait assister à l'audience, mais pour quelle raison ? Evart n'en avait aucune idée. Sa surprise fut plus grande que cela. En effet, l'alchimiste était supposé rester à Tal'Tressir pour s'occuper de son ami le Coualt. Peut être qu'il pourrait avoir une conversation avec lui après l'audience, pour l'instant la situation ne s'y prêtait pas.

Lorsque Brock et Evart prirent place, le calme revint du côté des magistrats mais le public n'en fit rien. Il fallut attendre que Glaemar, qui portait la tunique rouge, symbole de la milice de la cité, fasse régner le silence de sa voix autoritaire. Il profita d'avoir pris la parole pour faire le discours qui allait lancer le procès.
- Votre attention s'il vous plaît ! Aujourd'hui nous allons assister à quelque chose d'un peu spécial. Nous vous avons réuni ici dès que nous avons appris la nouvelle du retour de Brock . Pour ceux qui ne le sauraient pas, Brock est l'un de nos enfants à avoir été enlevé par les pirates il y a plusieurs années de cela. Aujourd'hui il nous revient miraculeusement, après avoir été secouru par deux étrangers que nous remercions au passage. Cependant, Brock pourrait avoir des informations intéressantes au sujet d'un danger qui nous menace. De plus, Brock affirme avoir collaboré avec les pirates de son plein gré. Dans ce genre de situation, nos lois exigent un procès. Brock sera donc représenté par l'un des étrangers qui sera son Protecteur.
Le magistrat eut un silence pour laisser le temps au public de porter son attention sur Evart. Glaemar désigna de sa main droite le Cormyrien afin d'insister sur sa présence, puis il reprit :
- Afin que tout le monde puisse vous connaître un peu avant le procès, je vais vous demander de vous présenter, qui vous êtes et d'où vous venez. Ce que vous venez faire ici nous intéresse également.

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Pendant qu'Evart se préparait à une épreuve qui demandait pas mal d'efforts, Raistlin, lui, se promenait dans les rues de la cité. Mais sa marche n'avait rien d'agréable, la lumière était intense et la chaleur presque insupportable. D'autant plus que porter une robe ample ne faisait baisser la température corporelle en aucune manière, mais au moins le magicien ne risquerait pas d'attraper tout ce que la lumière du soleil pouvait apporter de néfaste pour la peau. D'ailleurs, sa robe qu'il portait depuis très longtemps déjà commençait à vieillir, mais pire que cela elle était trouée suite à l'attaque de l'araignée dans les cavernes. Le magicien avait besoin de s'en procurer une autre, et cela n'allait pas être une partie de plaisir dans une ville qui ne comptait aucun mage, ou presque. Les tailleurs n'étaient cependant pas rares à Zi'hafa, et confectionner une robe n'était pas la chose la plus difficile à faire.

Raistlin allait et venait sans pouvoir trouver quoi que ce soit qui puisse ressembler à une marché, ou à une enseigne de tailleur. Il se résolut donc à interpeler un passant pour lui demander quelques informations. L'homme qu'il croisa réfléchit un instant puis répondit d'un ton très aimable :
- Oui bien sûr, il y en a un tout au sud de la ville. Sa maison est facile à reconnaître car elle possède une tour de la même hauteur que le mur d'enceinte. Elle est adjacente au mur qui protège la biblithèque et le temple. J'espère que vous trouverez, vous ne pouvez pas la manquer !

Le magicien se dirigea donc vers le sud après avoir remercié le passant à sa manière. Il parvint finalement dans le quartier du tailleur, qui se révélait être celui de Brock également, et aperçut la maison et la tour qui ajoutait un peu d'originalité à l'édifice. Après réflexion, Raistlin se rappela qu'il avait remarqué cette maison lorsqu'il était passé avec Evart pour la première fois. Contrairement à la plupart des habitations du quartier, celle-ci était construite en pierre ce qui témoignait d'une certaine richesse du propriétaire. Il entra.

L'intérieur ressemblait plus à un atelier qu'à une boutique. Il n'y avait pas vraiment de vêtements exposés pour la vente mais plutôt des travaux non-achevés entassés un peu partout. Plusieurs artisans se trouvaient là, certains assis en train de coudre, de tricoter et de tisser, d'autres bavardaient. L'un d'eux se dirigea vers Raistlin pour l'accueillir. Il avait une voix grave et un regard sévère, mais son discours amical.
- Bonjour voyageur ! Je vois à votre tenue que vous n'êtes pas du coin. Que puis-je faire pour votre service ?
Raistlin lui expliqua que sa robe était trouée et qu'il aimerait en acheter une autre si c'était possible.
- Malheureusement, nous n'avons pas ce genre de robe en réserve, et il me sera difficile de m'en procurer une rapidement. Je peux demander à l'un de mes assistants de vous en refaire une, mais cela vous en coûtera. Le plus simple serait que je vous raccommode ça vite-fait ! Qu'en dîtes-vous ?

Quand bien même il ne montrait rien, Evart fut plutôt « agacé ». Comment peut on avoir la prétention de se faire magistrat, de juger des personnes sans connaître les lois qui forment le socle du système judiciaire de son pays ? C'était de la pure inconscience. Mais soit, il ferait avec puisqu'il le fallait. Quoiqu'il en soit, la composition des autres membres du tribunal l'intéressait. Il connaissait la religion de Waukyne, c'était un avantage pour convaincre le prêtre, en outre, le mage serait certainement intéressé par le danger que pourrait représenter l'énigmatique chef de l'hétéroclite coalition des hommes-lézards et pirates. Quoiqu'il en soit, le marchand s'en alla et laissa seul Evart et Brock. Ce dernier lui demanda alors :

- Alors ? Comment comptez-vous me défendre ?

- En étant honnête. Nous devons absolument dire la vérité sur ce que vous avez faits pour alerter les autorités de la ville sur danger représenté par l'alliance entre les hommes-lézards, les pirates et cet énigmatique personnage. En outre, il faut absolument insister sur le fait que vous voulez racheter vos fautes, c'est grâce à ça que vous pourrez vous faire pardonner vos offenses passées.

- Bien, je ferais de mon mieux.

C'est alors qu'on vint chercher Evart et Brock qui s'assirent à la table qu'on leur désigna. L'assistance était nombreuse, c'était logique voir tout à fait appréciable. Voir l'exercice de la justice par l'état, pouvoir régalien par excellence, était primordial pour marquer l'esprit du peuple, frapper son imagination. Ainsi, en voyant les magistrats exercer la justice avec solennité, le peuple ne pouvait que penser que ce qu'il exerce la vraie justice alors que tout état, tout juge et tout tribunal n'exerce qu'un simple substitut. Fuyant cette lente digression, Evart parcourut des yeux l'assistance et remarqua la présence de Shedin. C'était étrange et cela intriguait le cormyrien, pourquoi faire le voyage jusqu'à Zi'Hafa. Quoiqu'il en soit, le magistrat-guerrier prit la parole en exposant la situation puis en demanda au jeune noble de se présenter.

- Je me présente donc. Je suis Evart Lameargent de Padraig, fils du Duc Philibert de Styre, lui-même vassal du Roi Azoun IV du Cormyr en Féérune. J'ai voyagé jusqu'au Royaume d'Arkhal-Gelianil à travers les souterrains du monde dans le but de trouver une fleur qui ne pousse que dans votre archipel et qui permet de fabriquer une potion que je recherche. Cependant, je n'ai nullement les moyens de rentrer chez moi pour le moment et après avoir aidé Shedin, l'alchimiste de Tal'Tressir, nous avons continué d'enquêter sur une alliance hétéroclite entre hommes-lézards et pirates. Nous nous sommes rendus jusqu'à une grotte où nous avons trouvé un campement et dans une caverne attenante, nous avons trouvé une araignée géante et Brock qui allait se faire dévorer ou embeaumé pour être dévorer plus tard. Nous avons réussi à tuer l'araignée et sauver Brock puis avec un cataplasme de fortune, nous avons pu revenir jusqu'ici.